Les chaînes d'approvisionnement d'aujourd'hui exigent une logistique agile

“Il ne faut jamais gâcher une bonne crise.” explique Winston Churchill

Tout ce qui aurait pu mal se passer s'est produit au niveau des chaînes d'approvisionnement globales au cours des deux dernières années, allant de la fermeture prolongée des frontières au porte-conteneurs bloqués dans le canal de Suez. Cette succession de mauvaises nouvelles comprend aussi la pénurie de chauffeurs de camions, l'augmentation du prix de stockage atteignant des sommets ainsi que des coûts d'expédition qui ont quasiment quadruplé à certains endroits pendant la pandémie.

Si bien que les responsables de la chaîne d'approvisionnement se sont demandés quand les choses reviendraient à la normale mais la normalité n’est peut-être pas l'objectif à rechercher. En effet, si l'on s'en tient à l'esprit de la citation de Sir Winston Churchill, le temps est venu de revoir les postulats sur lesquels reposent les chaînes d'approvisionnement.Il convient de trouver de nouveaux moyens pour les rendre non seulement plus résilientes mais aussi plus souples face au changement, en mettant le cap sur une chaîne d'approvisionnement agile.

Les deux dernières années ont mis en lumière les limites des pratiques de gestion des stocks en mode Juste-à-temps (JAT) sur lesquelles s'appuient depuis 30 ans les fabricants, les prestataires de services logistiques ainsi que les commerces de détail. L'objectif du Juste-à-temps est de programmer la livraison de marchandise pour qu'elle arrive au moment précis où elle est nécessaire. Il s'agit d'un objectif louable mais qui présuppose l'existence de chaînes d'approvisionnement à la fois fiables et prévisibles. Comme l'ont démontré les premiers mois de la pandémie de COVID, les pratiques du Juste-à-temps peuvent provoquer des pénuries brutales lorsque les chaînes d'approvisionnement sont interrompues.

Goulots d'étranglement logistiques

L'un des maillons de la chaîne d'approvisionnement qui mérite une attention toute particulière est la logistique. Seuls quelques prestataires de services logistiques sont en mesure de desservir l'ensemble des États-Unis, le nombre de fournisseurs ayant un rayonnement mondial étant encore plus faible. Alors que la négociation des contrats peut prendre des mois, les prestataires de services logistiques doivent, de leur côté, réserver de l'espace, des véhicules et des chauffeurs. Ils doivent ensuite signer des contrats pluriannuels qui les engagent à réserver un certain volume d'espace de stockage en entrepôt, quelle que soit la nature de leur activité. Il s'agit là d'un fardeau qui pèse sur les entreprises opérant dans des secteurs saisonniers. Elles devront s'acquitter peut-être de mensualités pour de l'espace non occupé alors qu'elles se retrouveront avec du stock à devoir gérer en période de suractivité.

Trouver de l'espace de stockage est plus compliqué que jamais, compte tenu des taux d'inoccupation qui n'ont jamais été aussi bas. En effet, le taux d'inoccupation des entrepôts de grande taille était seulement de 3,4 % au premier trimestre 2022 tandis que plus d'un tiers des locaux en construction en 2021 étaient déjà pré-loués selon CBRE Inc. Et même si les entreprises peuvent sécuriser un certain espace, la pénurie de chauffeurs de camions peut rendre impossible la livraison de marchandise lorsqu'elles en ont besoin.

La pandémie a également créé des changements systémiques en termes de pratiques d'achat et d'attente des clients. Privés de congés et de restaurants pendant le confinement, le public a investi son argent dans du mobilier, des équipements électroniques, du matériel sportif et de cuisine, quand il n'en a pas profité pour améliorer son logement. Tous ces biens ont été massivement achetés en ligne comme le démontrent les dépenses à hauteur de 4900 milliards de dollars investis dans le commerce en ligne en 2021, un chiffre qui devrait augmenter de 50 % au cours des quatre prochaines années.

Amazon a redéfini les attentes des acheteurs en promettant de livrer presque tout en un jour. Ceci met la pression aux commerces de détail qui ne sont pas Amazon et qui doivent donc livrer rapidement les articles commandés malgré des stocks et une logistique imprévisibles.

Aù-delà de la résilience

Les dysfonctionnements provoqués par la pandémie de COVID sont à l'origine de nombreuses discussions sur la résilience de la chaîne d'approvisionnement. Fabricants et détaillants se protègent en doublant le nombre de fournisseurs, en s'approvisionnant plus près, voire en investissant dans leurs propres réseaux logistiques. Ceci au prix de coûts supérieurs qui participent au taux d'inflation le plus élevé aux États-Unis depuis 40 ans.

Atteindre la résilience de la chaîne d'approvisionnement implique de sacrifier les vertus de la gestion des stocks en mode Juste-à-temps. L'accent doit être mis non seulement sur des chaînes d'approvisionnement plus résilientes mais aussi plus agiles. Une étude récente de Gartner démontre que suite à la pandémie de COVID, 89 % des professionnels de la chaîne d'approvisionnement prévoient d'investir pour rendre leur chaîne plus souple au cours des deux prochaines années, ce qui permettrait de créer des chaînes d'approvisionnement « auto-cicatrisantes » avec des réseaux logistiques aussi souples que les entreprises qui les utilisent.

McKinsey définit les entreprises agiles comme celles qui intègrent l'incertitude tout en allouant des ressources de manière flexible et rapide là où elles en ont le plus besoin.

Les réseaux logistiques rigides et fixes, les contrats pluriannuels ainsi que les cycles de décision longs sont les ennemis de la flexibilité. Ces entreprises sont mieux servies par des fournisseurs de logistique qui peuvent fournir les programmes de stockage et d'exécution des commandes nécessaires en quelques semaines. Et ce, grâce à des sites dans tout le pays, des intégrations de systèmes technologiques et des conditions contractuelles mesurées en mois au lieu d'années.Cependant, rendre les chaînes d'approvisionnement plus résilientes ne suffit pas.

En effet, l'objectif n'est pas un retour à la normale, mais d'intégrer une nouvelle agilité au sein de la chaîne d'approvisionnement et d'inviter les partenaires logistiques à en faire de même. Les entreprises devenues plus rapides et réactives répondront à la volatilité de manière plus efficace tout en gérant mieux le coût et en s'adaptant pour répondre aux attentes changeantes des clients. Il ne faut jamais gâcher une bonne crise.