Les consulats européens se donnent l’objectif et les moyens de s'affranchir du papier

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La tendance à supprimer le papier dans les processus des consulats européens résulte de la coïncidence de facteurs récents.

Micaela Longo
Micaela Longo
25 juillet 20237 mins
Les consulats européens se donnent l’objectif et les moyens de s'affranchir du papier
La tendance à supprimer le papier dans les processus des consulats européens résulte de la coïncidence de facteurs récents. On peut noter le financement et le soutien de l’instrument FRR (Facilité pour la Reprise et la Résilience) de l’Union européenne, les effets prolongés de la pandémie de Covid-19, les attentes des citoyens en matière d’environnement, les mandats des pouvoirs publics et les initiatives prises par les entreprises afin d'atténuer le changement climatique.

Si l’idée d’un bureau sans papier remonte à plus de cinquante ans, elle s’est toutefois heurtée à de redoutables freins, notamment aux délais et aux coûts qu’engendre la dématérialisation de centaines, milliers voire millions de documents dans les entreprises et dans les administrations, mais aussi au manque de solutions fiables pour sécuriser et gérer les documents électroniques.

Motivée malgré tout par les impératifs de distanciation sociale pendant la pandémie de Covid-19, l’Union européenne a perçu la valeur immédiate et constante de la transformation numérique tant pour les employés que pour les citoyens. L’UE a ainsi mis en place la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) pour permettre aux gouvernements européens d’accéder à des prêts, des subventions et des bonnes pratiques de dématérialisation. L’Espagne, la France et le Portugal font partie des États bénéficiaires de ce dispositif.

Les aspirations au sans papier confrontées à la réalité

Du paiement des factures en ligne à la déclaration électronique des revenus et à l’envoi de mails plutôt que de courriers papier, l’évolution vers les processus sans papier gagne du terrain. Selon une étude réalisée par Statista 408 millions de tonnes de papier et de carton ont été consommées dans le monde en 2021. Cette consommation devrait continuer à augmenter au cours de la prochaine décennie pour atteindre 476 millions de tonnes d’ici 2032. D’après une autre étude, la demande en papier est responsable de 14 % de la déforestation mondiale avec la destruction, chaque année, de 4,1 millions d’hectares de forêts, soit l’équivalent des Pays-Bas.

Aux États-Unis, des systèmes sans papier ont été adoptés par des établissements financiers comme la Bank of America et par nombre de compagnies d’assurance et de cabinets comptables. Les établissements de santé font le pari d’une dématérialisation totale avec des dossiers médicaux électroniques (DME) et des portails patients. Et pourtant, 17 % à peine des bureaux aux États-Unis fonctionnent sans papier d’après une étude de l’association AIIM (Association for Intelligent Information Management).

Des délais et des moyens humains non négligeables ont été engagés pour numériser de gros volumes de documents, contre-vérifier la qualité des versions numérisées et détruire en toute sécurité les versions papier. Parfois, les personnels sont réfractaires au changement de flux de travail, de processus et d’habitudes qu’impose l’abandon d’un système reposant sur le papier pour un système tout numérique. Le bureau sans papier a par ailleurs été ralenti par des problèmes liés à la sécurité et à la confidentialité des données, notamment après le tapage médiatique sur les menaces de cybersécurité auquel ont donné lieu des affaires de violations de données et d’attaques par ransomware.

Les consulats détiennent des identités

De tout temps, les consulats ont traité via des processus papier manuels les demandes de création, de renouvellement et de remplacement de passeports ; les visas ; les actes de naissance, de mariage et de décès ; les Rapports consulaires de naissance à l’étranger (CRBA) ; les procurations et services notariés ; les conseils aux voyageurs et autres informations consulaires. Si tous les consulats et tous les pays n’appliquent pas les mêmes procédures et protocoles, tous s’efforcent de garantir la sécurité et la confidentialité des documents en leur possession.

Dans l’Union européenne, le programme baptisé La décennie numérique impose aux principales administrations de dématérialiser leurs procédures pour les porter intégralement en ligne d’ici 2030. Et puisque la loi européenne de 2021 sur le climat fixe à tous les pays de l’UE un objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, les consulats et autres représentations officielles en Europe ne peuvent faire autrement que de poursuivre la transformation numérique.

De plus, les consulats européens subissent l’influence des attentes des citoyens, notamment des jeunes, qui veulent échanger et interagir en ligne avec les services de l’État pour des questions pratiques mais également par souci de l’environnement. En Europe comme dans le reste du monde, les efforts pour atténuer le changement climatique recueillent le soutien de la majorité des populations. Les citoyens savent que les arbres contribuent à réduire les gaz à effet de serre puisqu’ils les absorbent et que les opérations de transformation des arbres en papier, d’impression sur papier et de recyclage de volumes considérables de papier rejettent du C02 qui contribue au réchauffement planétaire.

Réussites européennes en matière de processus consulaires sans papier

Des initiatives de dématérialisation de quatre millions de pages de documents officiels sont en cours dans les consulats en Espagne et au Portugal. En France, les consulats visent 4,2 millions de pages dématérialisées. En Finlande, les consulats sont passés aux réunions sans papier. Un processus essentiellement sans papier a remplacé le processus en ligne de demande de visa pour entrer dans les pays de l’UE.

Ces exemples d’initiatives sans papier en cours dans les consulats européens ont été accueillis favorablement aussi bien par les citoyens que par les personnels, dont certains sont désormais en télétravail avec un accès sécurisé aux applications et aux données. Ce phénomène de migration au sein de l’UE s’est accéléré pendant la pandémie lorsqu’il n’y avait pas d’autre choix que le télétravail. Ce contexte a augmenté la charge de travail dans les consulats tout en libérant des personnels consulaires qui ont pu aller travailler dans d’autres pays de l’UE où certains sont restés après la pandémie, appréciant la facilité et l’utilité des processus sans papier.